2020, Année de la juridiction unifiée du brevet ?
2020, année de la Juridiction unifiée du brevet ?
Rédigé par Louis Lavigne et Ina Schreiber du cabinet Plasseraud IP, 15 janvier 2020
Mise à jour du 27/03/2020 -Le 20 mars 2020, la Cour Constitutionnelle allemande a rendu sa décision concernant la Juridiction Unifiée du Brevet. L’acte de ratification de l’accord sur la JUB par le Bundestag est considéré comme nul en raison du non-respect de la majorité exigée des 2/3 des membres du Bundestag lors du vote. Cependant, cela ne marque certainement pas la fin du projet. En effet, la ministre fédérale de la Justice et de la Protection du consommateur, Christine Lambrecht, a déclaré, "Je poursuivrai mes efforts pour que nous puissions apporter un brevet européen unitaire à l'industrie européenne innovatrice ainsi qu'une Cour européenne des brevets. Le gouvernement fédéral évaluera soigneusement la décision de la Cour constitutionnelle fédérale et examinera les possibilités de remédier au vice de forme constaté avant la fin de ce mandat législatif".
Mise à jour du 03/03/2020 - Le 28 février 2020, dans la lignée du Brexit et de sa volonté de s’émanciper des institutions européennes, le gouvernement britannique de Boris Johnson a annoncé son intention de se retirer de la JUB.
Article du 15/01/2020 - Le 19 février 2013 à Bruxelles, 25 Etats membres de l’Union européenne signaient l’accord relatif à une Juridiction unifiée du brevet, communément appelée JUB. La Juridiction unifiée du brevet a pour vocation de devenir une juridiction commune aux Etats membres contractants. Elle aura une compétence exclusive en matière de brevets européens et de brevets européens à effet unitaire. Elle aura pour avantage d’accélérer les procédures telles que l’action en contrefaçon ou en nullité d’un brevet et devrait permettre de rendre des décisions de justice de qualité plus rapidement et d’assurer une sécurité judiciaire entre les Etats membres contractants.
Pourtant, cela fait 7 ans que l’entrée en vigueur de l’accord fait face à plusieurs difficultés qui rendent, encore aujourd’hui, son avenir incertain. Une question de constitutionnalité en Allemagne d’une part et la sortie du Royaume-Uni de l’UE d’autre part.
C’est aux termes de son Article 89 que les modalités d’entrée en vigueur de l’accord sont détaillées. L’accord doit entrer en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant celui du dépôt du treizième instrument de ratification, y compris par les trois Etats membres dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens produisaient leurs effets en 2012, c’est-à-dire la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Aujourd’hui, 16 Etats membres ont déposé leur instrument de ratification dont la France (le 14 mars 2014) et le Royaume-Uni (le 26 avril 2018). Il ne manquait plus que la ratification de l’Allemagne. Mais au printemps 2017, un recours auprès de la Cour constitutionnelle fédérale allemande contre l’accord sur la JUB a été formé.
Peter Huber, juge à la Cour constitutionnelle fédérale allemande en charge du dossier a expliqué lors d’une récente interview donnée au magazine Managing Intellectual Property fin novembre 2019 que l'affaire qui figurait sur la liste des affaires à trancher en 2018, puis en 2019 a été retardée parce qu'il y avait simplement d'autres affaires plus importantes qui devaient être réglées en premier. Il a fait part de sa volonté de rendre une décision au début de l’année 2020, sans toutefois donner de date précise puisque cela dépendrait aussi du temps dont lui et les autres juges constitutionnels auront besoin pour délibérer.
Suite à cette interview, Alexander Ramsay, président du comité préparatoire de la Juridiction unifiée du brevet a lui aussi partagé son optimisme dans une interview donnée à JUVE Patent. Il reste confiant que la Cour constitutionnelle fédérale allemande confirme la constitutionnalité de l’accord sur la JUB et considère qu’il serait réaliste de s’attendre à ce que la JUB soit opérationnelle au début 2021.
Le président de l'Office européen des brevets (OEB), M. António Campinos, s’est montré aussi sinon encore plus optimiste lors d’une rencontre avec les membres du Comité préparatoire de la JUB le 10 janvier 2020 en déclarant :
« Nous sommes confiants que les étapes nécessaires peuvent être franchies à temps pour que le dispositif du brevet unitaire devienne opérationnel fin 2020. »
Côté britannique, suite au « leave » du référendum du 23 juin 2016 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, une nouvelle étape a été franchie ce 9 janvier 2020 où le Withdrawal Agreement Bill (WAB) a adopté par la Chambre des Communes. Le texte inscrivant le divorce du Royaume-Uni avec l’UE dans le droit britannique a été adopté par 330 voix contre 231.
Ce texte actant le retrait du Royaume-Uni n’est pas définitivement adopté : il devra encore être accepté en Chambre des Lords puis obtenir l’assentiment de la Reine, une formalité. Le Parlement européen doit aussi, de son côté, ratifier le traité de divorce. Mais dorénavant plus rien, a priori, ne s’oppose au Brexit le 31 janvier 2020, avec une période de transition courant jusqu’au 31 décembre 2020.
Quelques jours avant ce vote à la Chambre des Communes, Downing Street a publié une déclaration sur les futures relations du Royaume-Uni avec l'Union européenne, excluant toute juridiction de la CJUE au Royaume-Uni. Si le gouvernement britannique se tient à cette déclaration cela rendrait impossible une participation du Royaume-Uni dans la JUB.
L’année 2020 s’annonce donc comme palpitante concernant le futur de la Juridiction unifiée du brevet et devrait apporter plus de visibilité quant au calendrier de fonctionnement et de l’entrée en vigueur de cette nouvelle juridiction européenne.